Libre Pensée du Pas-de-Calais

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Publié : 14 mai 2005

La constitution européenne garantit-elle la démocratie, la paix et la laïcité ?

Compte-rendu de la réunion publique du vendredi 13 mai 2005 à Noyelles-sous-Lens

Ce vendredi 13 mai 2005, à Noyelles-sous-Lens, ATTAC Lens avait invité les fédérations de la Libre Pensée du Nord et du Pas-de-Calais à présenter leurs positions sur le centenaire de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 et sur la constitution européenne. Près de soixante-dix personnes s’étaient réunies au Foyer municipal de la ville pour débattre avec les intervenants des enjeux de ce traité européen.

Dans un premier temps, Raphaël Lluch, conseiller municipal de Noyelles-sous-Lens souhaita la bienvenue aux orateurs et au public nombreux. Il se félicita de la tenue de cette réunion publique dans les locaux mis à disposition par la municipalité. Puis Pierre Lemire rappela la position d’ATTAC sur cette constitution européenne et présenta les deux intervenants, Daniel Dubois de la fédération de la Libre Pensée du Nord et Roland Delattre de la fédération du Pas-de-Calais.

Les enjeux de la séparation des Eglises et de l’Etat en 1905

Daniel Dubois s’attacha à retracer les luttes menées par les républicains et les libres penseurs au cours du XIXème siècle pour parvenir à limiter le cléricalisme de l’Eglise catholique. Après l’instauration des lois laïques, en particulier scolaires, en 1882, 1884 et 1886, il rappela les combats liés à l’Affaire Dreyfus qui virent l’Eglise catholique s’engager dans un combat antisémite forcené par l’intermédiaire de journaux comme Le Pélerin ou La Croix. Il fit revivre les enjeux de l’époque. Le début du XXème siècle vit la création du statut d’association privée instauré par la loi du 1er juillet 1901. Suite à cette loi de très nombreuses congrégations religieuses furent interdites en France et durent cesser leurs activités cléricales. Puis en 1904 une autre loi interdit l’enseignement à toutes les congrégations encore autorisées. Enfin, les républicains votèrent la loi de séparation des Eglises et de l’Etat sous l’impulsion d’Aristide Briand et d’Emile Combes. L’orateur rappela les luttes menées au moment des inventaires en 1906.

Enfin il conclut son propos en rappelant rapidement les évolutions subies par cette loi au cours des années sous les coups de boutoir des différents gouvernements antilaïques : lois de Vichy en 1941, loi Debré en 1959, ou encore les accord Lang/Cloupet en 1992 pour financer l’enseignement catholique sur fonds publics.

Puis Roland Delattre présenta la position de la fédération du Pas-de-Calais sur la constitution européenne.

Une constitution démocratique ?

Il s’agit d’examiner librement cette constitution pour déterminer si elle met en pratique la laïcité institutionnelle et juridique dans le fonctionnement de l’Union européenne. En effet, seule la laïcité garantit l’égalité ainsi que la liberté effectives en droit des citoyens et citoyennes. Cela crée alors les conditions de la fraternité.

Or ce texte souffre de plusieurs défauts majeurs :

  • il n’est pas source de démocratie,
  • il refuse la laïcité institutionnelle,
  • il n’est que très peu protecteur des droits des citoyens,
  • et enfin il porte les germes de la guerre en lui.

Pour saisir l’enjeu de ce texte il faut rappeler que, s’il est ratifié, l’article I-6 prévoit que « la constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union(...) priment le droit des Etats membres » et ce traité constitutionnel primera donc sur notre constitution et nos lois et réglements nationaux.

La démocratie c’est le gouvernement par le peuple et pour le peuple. Or, les institutions prévues sont bien loin du peuple.

Le pouvoir exécutif effectif sera détenu par la Commission européenne (article I-26). Or, les commissaires ne sont pas élus et n’ont donc pas de compte à rendre au peuple. Ils sont désignés par les chefs d’Etat. Cependant, ils sont totalement indépendants... du peuple et du pouvoir politique, mais pas des lobbys qui sont institutionnalisés (article I-47).

On peut aussi éprouver une autre inquiétude sur les fondements démocratiques de l’Union européenne. En effet, selon l’article I-34, la banque centrale européenne et la banque européenne d’investissement, institutions non élues et non démocratiques peuvent faire des recommandations à la commission pour adopter des lois européennes mais, pour leur part, elles n’ont d’ordre à recevoir d’aucun responsable politique ! Enfin, c’est la Commission Européenne qui seule dispose du pouvoir d’initiative pour proposer les lois. Il y a donc confusion des pouvoirs exécutif et législatif entre les mains du même organe.

Enfin, les politiques de la partie III sont inscrites dans la constitution pour une durée illimitée (article IV-446) . Cet article prend tout son sens lorsqu’on s’intéresse à la partie IV du traité : les procédures de révision du texte requiérent systématiquement l’unanimité de tous les Etats membres. Face à ces grosses difficultés de révision du texte, quel poids auront les élections à venir ?

Les générations à venir sont donc dépossédées de leur possibilité de choix. Le vote OUI leur interdit de pouvoir décider librement des politiques qu’elles voudront mener lors des prochaines élections.

Une constitution pour la paix en Europe et dans le Monde ?

De plus, la garantie de la paix entre les peuples est loin d’être acquise avec cette constitution.

Un principe qui parcourt tout le texte s’y oppose frontalement : « la concurrence libre et non faussée ». (article I-3).Mettre en concurrence les peuples, les travailleurs, les économies, les législations sociales et fiscales est beaucoup plus sûrement source de tensions entre les Européens que de rapprochement culturel et fraternel entre eux. Mais la partie I, et en particulier l’article 41, est, elle aussi, antinomique avec l’objectif d’une Europe de la paix.

Il est ainsi affirmé que « les engagements et la coopération dans [l]e domaine [ de la politique de sécurité et de défense commune] demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en oeuvre. » Et il est bien connu que l’OTAN est une grande organisation promouvant la paix dans le monde... Mais, en plus, ce même article stipule que « les États membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires. Il est institué une Agence dans le domaine du développement des capacités de défense, de la recherche, des acquisitions et de l’armement (l’Agence européenne de défense) ». Tout cela ressemble davantage à la préparation de la guerre qu’à celle de la paix, non ?

Enfin, la guerre dans l’Union est un problème prévu dans l’article III-131 : elle ne doit pas empêcher le bon fonctionnement du marché intérieur !

Des droits renforcés par la constitution ?

Sur le plan des droits individuels et collectifs, ce traité reconnaît des droits aux « personnes » et pas aux individus ou aux citoyens. Il faut savoir que cette notion de personne est directement issue de la doctrine catholique. La personne est toujours soumise à Dieu et à ses exigences, en revanche l’individu est un concept juridique établissant l’autonomie de l’individu par rapport aux conceptions métaphysiques quelles qu’elles soient.

Par exemple, le droit de l’individu à disposer de son propre corps n’existe pas ! Ainsi, l’interdiction de la peine de mort à l’article II-62 (« 2. Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté. ») est remise en cause dans certains cas présentés dans les annexes.

Dans le même article II-62, il est proclamé que « 1. Toute personne a droit à la vie. » Cette expression rappelle étrangement le slogan des commandos antiavortement. Or, le droit à l’avortement n’est jamais évoqué dans cette constitution. Il n’est donc pas constitutionnalisé. Au contraire, lorsque l’avortement est évoqué c’est pour garantir que les législations nationales rétrogrades d’Irlande et de Malte soient maintenues quelles que soient les circonstances(Voir l’article à ce sujet).

Ces droits ne sont donc en rien une avancée, mais, au contraire, les explications du praesidium prévues en annexe peuvent même les affaiblir par rapport à ce que l’on connaît actuellement.

Une constitution laïque ?

Le refus de la laïcité par ce texte est donc logique puisqu’elle seule est garante de l’égalité sociale et de la fraternité.

Pour éclairer les débats actuels, il paraît nécessaire de rappeler rapidement les traditions nationales des différents Etats membres de l’Union européenne concernant la places des religions dans la sphère publique. Puis il faudra envisager les enjeux de la constitution européenne dans ce contexte.

Définissons d’abord la notion de Séparation des Eglises et de l’Etat. Ce principe implique :

  • la non-ingérence des Églises dans les affaires de l’État (pas de religion d’Etat),
  • la non-ingérence de l’État dans les affaires des Églises (pas de nomination, ni de ligne politique imposée aux Eglises).
  • la garantie par l’État de la sphère d’autonomie de chaque individu quant à ses conceptions philosophiques ou religieuses. Le respect de cette autonomie de l’individu implique que l’État garantisse une égalité de traitement à l’égard de chaque individu et assure un libre exercice de la liberté de conscience de chaque citoyen, pour autant bien entendu que les fondements de la démocratie soient respectés par celui-ci ;

Si l’on examine les législations nationales des pays de l’UE à l’aune de cette définition, on constate qu’un certain nombre d’entre eux ne connaissent pas de séparation, mais une simple distinction juridique entre les Eglises et l’Etat. Cette distinction implique dans certains Etats une reconnaissance officielle de quelques cultes au détriment souvent des incroyants ou indifférents, tandis que d’autres comme l’Angleterre, la Grèce ou le Danemark s’appuient encore sur des Eglises d’Etat officielles. La France a donc choisi une voie originale en ce domaine.

Pour finir, quelques pays condamnent encore pénalement le blasphème : Angleterre, Espagne, Italie, Allemagne, Autriche par exemple. C’est dans ce contexte à forte connotation cléricale qu’il faut situer la rédaction de la constitution européenne par une Convention sans légitimité populaire, puis par les chefs d’Etat sans mandat préalable confiés par les peuples européens.

Pour commencer sur le terrain des symboles, il n’est pas inutile de rappeler qu’à la demande expresse des églises, la référence à des « principes » de l’Europe, jugée trop rationaliste dans le projet de la Convention, a été remplacée dans le préambule par la notion plus ambiguë de « valeurs » de l’Union européenne. Au passage, le lobbying clérical auprès des chefs d’États a également réussi à faire sauter du préambule la référence « au respect de la raison » présente dans le texte initial de la Convention. Cet intense lobbying religieux explique sûrement pourquoi les Chefs d’Etat ont voulu ce texte en « S’INSPIRANT des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe », comme ils l’affirment dès le début du préambule. Ils auraient peut-être pu consulter leurs peuples qui les auraient mandatés précisément et non pas inspirés de façon irrationnelle et subjective comme l’ont fait les communautés religieuses.

Plusieurs articles (I-2, I-11, I-52, et II-70 en particulier) posent particulièrement problème en regard de la tradition laïque de la France.

Dès le tout début du texte, l’article I-2 proclame le « respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités » parmi les valeurs de l’Union. Cette notion de droits attachés à la situation de minorité apparaît pour la première fois dans un texte communautaire. Or, l’idée que l’appartenance à une minorité, qui peut-être d’origine, de croyance, de langue ou de culture, puisse être créatrice de droits particuliers pour les personnes concernées percute frontalement le principe d’« égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion », formulé à la Révolution française et réaffirmé à l’article 1er de la Constitution de 1958.

Le principe selon lequel l’appartenance à un groupe donné peut conférer des droits particuliers va donc pouvoir s’appliquer dans de multiples domaines, notamment sociaux et culturels. Voilà une rupture majeure avec la tradition juridique et politique d’égalité et d’indivisibilité de la communauté légale héritée de la Révolution française. Les communautaristes ont ainsi un fondement juridique pour contester des décisions qu’ils estimeront discriminatoires par rapport à leurs dogmes.

L’article I-11 affirme que « les principes de subsidiarité et de proportionnalité régissent l’exercice des compétences de l’Union. » Or, le principe de subsidiarité est directement issu de la doctrine sociale de l’Eglise catholique. Le Pape Pie XI le définit ainsi dans l’encyclique "Quadragesimo Anno" en 1931 : « Que l’autorité publique abandonne donc aux groupements de rang inférieur le soin des affaires de moindre importance où se disperserait à l’excès son effort ; elle pourra dès lors assurer plus librement, plus puissamment, plus efficacement les fonctions qui n’appartiennent qu’à elle, parce qu’elle seule peut les remplir ; diriger, surveiller, stimuler, contenir selon que le comportent les circonstances ou l’exige la nécessité. »

Cette définition des fonctions étatiques correspond à celles de l’Ancien Régime monarchique : l’Etat n’assume que les fonctions répressives et laisse aux corps intermédiaires comme l’Eglise ou des entreprises privées par exemple, la gestion de tout le reste : services sociaux, écoles, santé, transports, énergie, télécommunications, etc. Or, cette politique conduit à la privatisation de tous les services publics que nous connaissons actuellement pour les confier à des intérêts privés, au détriment de l’égalité d’accès des citoyens. Ce principe fondamental de l’Union européenne est donc en contradiction flagrante avec un principe républicain fondamental : la loi est la même pour tous et s’applique de la même façon à chacun. La subsidiarité justifie les inégalités entre les citoyens des pays de l’Union et ne vise aucunement à les réduire.

L’article I-52 rappelle la compétence nationale des Etats sur ces questions, mais, dans le même temps, le fait religieux étant reconnu en tant que tel, comme un élément particulier composant la société civile, il faut être logique et organiser ses relations avec l’Union européenne. Il accorde donc aux églises une place d’exception dans les institutions européennes, en reconnaissant leur « identité et contribution spécifique » et en leur garantissant un « dialogue ouvert, transparent et régulier avec l’Union européenne ». C’est-à-dire plus que ce qui est garanti aux partenaires sociaux pour intervenir auprès des institutions de l’Union. En effet, l’article I-47 indique dans son alinéa 2 : « Les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile. » Les Eglises sont donc distinguées de la société civile alors que, de fait, elles en font partie. Pourquoi donc opérer cette distinction ? Restera aussi à savoir qui établira la liste exacte des organisations religieuses bénéficiant de cet injustifiable privilège institutionnel, avec le risque d’une intervention accrue de nombreuses sectes dans l’espace public européen. Cela bafoue directement le principe démocratique et permet à ces organisations d’agir légalement en tant que groupes de pression pour influencer les décisions prises par les institutions européennes.

Interrogé au sujet de l’article I-52, le docteur Weninger, conseiller du président de la commission européenne Baroso, précisait : « Un article supplémentaire a été nécessaire pour distinguer les Eglises et les religions d’avec les membres de la société civile, car ce n’est pas la même chose. Les religions, c’est la Transcendance, alors que la société civile, c’est l’immanence. Les Eglises sont au-dessus de la société, elles ne sont pas au même niveau que les autres associations. » L’Union européenne reconnaît donc institutionnellement le caractère "supérieur" des Eglises et des relations avec les religions et leur permet d’intervenir sur TOUTES les questions alors que les autres associations ne le peuvent que sur des sujets très limités. Le traité constitutionnel européen c’est donc un article 47 pour le dialogue avec le bas peuple et un article 52 pour les relations « transcendantales » avec les religions ! Où est l’égalité et la non-discrimination prônée par l’article I-2 ?

L’article II-70 est ainsi rédigé : « Liberté de pensée, de conscience et de religion. 1 / Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. »

Cette « liberté » de manifestation religieuse en public est en contradiction directe avec le principe républicain de laïcité qui sépare strictement la sphère privée de la sphère publique, en excluant toute manifestation religieuse dans ce dernier, notamment depuis la loi du 9 décembre 1905. Or, en 1966, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques reprenait cette formulation dans son article 18, mais en la modifiant de façon bien plus tolérante : « Ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion », laissant entendre qu’on peut ne pas avoir de religion. Cette dimension est elle totalement absente de cet article II-70 et des explications forunies par le praesidium en annexe.

Un appel à voter NON le 29 mai

Le projet de Constitution ne se contente donc pas de menacer une partie de notre édifice juridique laïque, il nous empêche également d’envisager toute diffusion en Europe de cet acquis philosophique et politique considérable qu’est la laïcité à l’échelle de l’histoire de l’humanité.

Nous analysons cette constitution sous trois angles :

  • la garantie de la démocratie et de la paix au sein de l’Union
  • la garantie des droits de l’homme et du citoyen, quelle que soit son appartenance ou sa condition
  • la garantie de la liberté absolue de conscience pour tous les citoyens

Or, sur chacun de ces trois points, le texte soumis à referendum paraît déficient.

C’est pourquoi, pour construire une Europe fraternelle et laïque, créatrice de paix et de progrès social, il paraît nécessaire de rejeter ce Traité Constitutionnel Européen. La Libre Pensée du Pas-de-Calais appelle donc tous les citoyens désireux de construire une Europe humaniste et ambitieuse pour l’Homme et le Citoyen à voter NON au referendum du 29 mai.

Le Traité de Nice prenant fin en 2009, les gouvernements des 25 seront alors contraints à renégocier un nouveau cadre institutionnel pour faire fonctionner l’UE. Face au refus de l’institutionnalisation de la loi du plus fort, les gouvernants européens seront obligés de se retourner vers leurs peuples pour refonder une Europe conforme à leurs aspirations.

Débat avec le public

Une vingtaine de personnes sont ensuite intervenues pour poser des questions sur le texte de la constitution, et pour apporter des informations complémentaires.

Ainsi certains demandèrent pourquoi le Vatican, la Suisse et la Norvège n’appartenaient pas à l’Union européenne. La réponse fut simple : aucun de ces pays n’a demandé l’adhésion. Pour le Vatican, de toutes façons, l’adhésion paraît impossible puisque cet Etat ne respecte ni les droits de l’Homme et du citoyen, ni la démocratie. Son fonctionnement est en effet théocratique et discriminatoire, en particulier envers les femmes. Un intervenant demanda pourquoi l’on se réveillait maintenant seulement. Les conférenciers lui répondirent que cette constitution ayant été conçue par une convention sans mandat, non représentative des aspirations des peuples et fermée à certaines associations comme ATTAC, les citoyens n’avaient donc pas été consultés jusqu’ici. Cela explique le temps assez long qu’il a fallu pour que les associations et les citoyens se saisissent des enjeux de ce traité.

D’autres évoquèrent le fait que les religions n’étaient plus menaçantes actuellement. Mais les conférenciers rappelèrent certains faits d’actualité : censure d’une affiche publicitaire sous prétexte d’offense à la croyance catholique, pressions multiples sur des jeunes filles pour qu’elles se soumettent à des dispositions rétrogrades soit-disant religieuses, etc. Vouloir imposer la laïcité fut comparé par un intervenant à la volonté d’impérialisme français. Or, la laïcité est le seul système politique qui permette l’expression de toutes les convictions dans l’harmonie et le respect mutuel. Vouloir la diffuser en Europe ne devrait donc pas être source de conflit, mais au contraire de compréhension mutuelle et de dévelopement de nouvelles libertés pour certaines minorités, en Irlande, par exemple.

Plusieurs enseignants du SNES-FSU intervinrent pour expliquer combien la laïcité était nécessaire dans leur métier car garante de la neutralité de l’espace scolaire. En particulier la distribution aux lycéens de terminale de plaquettes prônant le oui à la constitution est une nouvelle atteinte à la laïcité scolaire. La laïcité est donc aujourd’hui confrontée à de multiples influences en milieu scolaire : religieuses, politiques, mais aussi commerciales et économiques. C’est sur ce terrain qu’aujourd’hui la laïcité doit être défendue. La constitution par ailleurs ne prévoit la gratuité que pour "l’enseignement obligatoire", le reste de la scolarité étant soumis aux règles du marché et livré à des prestataires privés. D’autre part, l’éducation est un sujet traité par l’Union européenne dans le cadre de la méthode "de coordination ouverte" : au conseil des ministres européens sont définies des politiques qui s’appliquent sur le terrain, alors qu’elles n’ont jamais été soumises à l’approbation des peuples. Cela explique les graves dérives de la stratégie de Lisbonne, que la loi Fillon ne fait que mettre en oeuvre, détruisant ainsi la laïcité scolaire. En effet cette loi vise à calquer les formations de l’école sur les besoins économiques locaux, niant la faculté aux élèves de transformer par l’instruction leurs conditions de vie, qu’elles soient sociales, culturelles ou autres.

D’autres intervenants expliquèrent qu’au nom de la souveraineté nationale, ils refusaient toute constitution européenne quelle qu’elle soit puisqu’il n’existait pas de peuple européen. D’autres encore demandèrent la position de la Libre Pensée sur l’orientation ultralibérale de ce texte. Les conférenciers dénoncèrent alors la concurrence sauvage instaurée entre les économies, les peuples et les citoyens, source de conflits très graves à moyen terme. Cette concurence n’a pas pour but de créer des conditions de vie satisfaisantes pour le peuple mais de réduire les coûts du travail humain, niant ainsi la valeur profonde de l’Humanité, ramenée à une simple variable financière.

Certains intervenants firent valoir que, dans la région, les fonds européens venaient en aide aux exclus du système scolaire, mais aussi aux personnes frappées par la crise sociale. Les conférenciers reconnurent cet état de fait en insistant sur deux points. D’une part ces fonds sociaux vont drastiquement baisser pour la région puisque l’élargissement à l’Est se fait à moyens constants. Les crédits existants seront donc redistribués aux plus pauvres, au détriment d’une région comme la nôtre. D’autre part que l’Union verse des fonds sociaux à des régions en difficulté ressemble plus dans le cadre actuel à de la charité pour conserver la paix sociale qu’à une véritable solidarité pour développer durablement ces territoires.

Enfin, à la question de savoir si la constitution apportait des éléments positifs, il fut répondu que le fait que 25 pays se mettent autour d’une même table pour envisager des règles de vie communes était très encourageant ; mais que le texte adopté devait être profondément amélioré pour satisfaire les libres penseurs.