Libre Pensée du Pas-de-Calais

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Publié : 14 février 2006

Liberté d’expression et caricatures

COMMUNIQUE DE PRESSE de la Fédération Humaniste Européenne (FHE) en date du 14 février 2006

"Certains hommes croient en un dieu. D’autres en plusieurs. D’autres se tiennent pour agnostiques et refusent de se prononcer. D’autres enfin sont athées. Tous ont à vivre ensemble. Et cette vie commune, depuis la première Déclaration des droits de l’homme, doit assurer à tous à la fois la liberté de conscience et l’égalité de droits." (Henri Pena Ruiz)

La Fédération Humaniste Européenne (FHE) considère que seul un État pluraliste garantit la liberté de conscience et d’opinion. Cette liberté comporte la liberté de croire ou de ne pas croire, d’adhérer ou non à telle religion ou à telle autre, sans qu’aucune religion ou conviction ne bénéficie de privilège ou ne subisse des contraintes dérogatoires au droit commun. Ce pluralisme est indispensable au « vivre ensemble ».

Sans liberté d’expression, pas de pluralisme. Or, « la liberté d’expression vaut, non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent » [1]. L’interdiction de représenter le fondateur de l’islam est un prescrit religieux qui ne regarde que les musulmans, dans la mesure où ils s’estiment concernés. En aucun cas, un interdit strictement religieux ne peut donc justifier de restreindre la liberté d’expression. Le fait que les caricatures contestées heurtent ou dérangent la sensibilité d’une communauté (religieuse ou non) ne peut donc être, en aucune mesure, un motif d’interdiction.

Toutefois, la liberté d’expression n’est pas sans limite : un discours, un livre, un dessin peut constituer une incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination à l’égard d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de leurs membres, en raison de la race, de la couleur, de l’ascendance ou de l’origine nationale ou ethnique. Il est alors condamnable et peut être interdit en vertu du droit commun.

Dans le cas des caricatures du Jyllands-Posten, un reproche qui pourrait leur être fait est d’associer Islam et intolérance criminelle et terrorisme. Un tel amalgame est contraire à la vérité, la plupart des musulmans considèrent en effet leur religion comme un message de paix et de concorde.

Cependant, un islamisme intolérant et terroriste existe bel et bien et la FHE déplore que les réactions violentes et haineuses auxquelles nous assistons concourent, beaucoup plus sûrement que n’importe quel dessin, à l’amalgame Islam-intolérance et renforcent la position des plus radicaux.

Les religions ont contribué à la pensée universelle, à la culture et à la philosophie. Elles ont été et demeurent porteuses de sens pour beaucoup de gens. Mais elles ont été et sont aussi - trop souvent - porteuses de non-sens, d’erreurs et aussi de mensonges et de haines. Trop souvent les religions ont été fauteuses de conflits. Naguère, l’intolérance religieuse était d’ailleurs pratique constante en Europe. Les atteintes à la liberté d’expression et aux droits de l’homme doivent être dénoncées d’où qu’elles viennent avec la même fermeté.

Aucune religion n’est au-dessus de la critique. Aucune ne peut prétendre à l’immunité ou à un statut particulier. La FHE s’oppose à toute tentative de limiter, par la voie législative ou la voie judiciaire, le droit de contester et de critiquer dans les limites du droit commun les religions, leurs doctrines et les actes de ceux qui s’en revendiquent. Mais la FHE rejette, avec la plus grande vigueur, l’amalgame entre Islam et terrorisme, ainsi que les condamnations générales des musulmans ou de l’Islam à l’égard des Danois, des Français, des Norvégiens et des Européens... et tous les actes de violence commis pour venger Mahomet outragé.

La FHE soutient par ailleurs ceux qui, dans la communauté musulmane, sont prêts à affronter, en profondeur, la question délicate de la violence et de certains prescrits coraniques qui sonnent comme des appels permanents à la haine du juif, du chrétien et de l’incroyant, à l’humiliation de la femme et à la guerre sainte quand on les lit détachés de leur contexte d’il y a près de 15 siècles, comme n’importe quel non-spécialiste, musulman ou non. A l’évidence la plupart des musulmans vivent leur islam comme une religion de paix. Puisse cette lecture l’emporter haut et clair. Puisse aussi les responsables musulmans condamner, sans équivoque, l’instrumentalisation de leur prophète ou de leur dieu à des fins politiques et meurtrières. Cet appel s’adresse également aux représentants des autres religions.

La FHE poursuivra ses appels à la compréhension mutuelle, au-delà des traditions et des convictions. Il invite à jeter des ponts entre les hommes, pour mettre en évidence ce qui nous lie, pour soutenir tous ceux qui luttent en faveur du progrès et pour rassembler ceux qui savent tirer de la mémoire collective tout ce qui favorise l’ouverture au dialogue et à la modernité.

Notes

[1] Jurisprudence de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme.