Libre Pensée du Pas-de-Calais

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Publié : 30 juillet 2006

Déclaration commune de la Ligue de l’Enseignement et de la Fédération Nationale de la Libre Pensée

La Fédération Nationale de la Libre Pensée et la Ligue de l’Enseignement se sont rencontrées à Paris le 7 juillet 2006 afin de faire le point sur la situation qui prévaut aujourd’hui en matière de laïcité. Nos deux organisations, parmi les plus anciennes du mouvement laïque français, sont porteuses d’identités et de projets différents mais fondés sur les mêmes valeurs. Notre histoire a parfois été tumultueuse. Les débats et les confrontations, parfois virulents, en font partie intégrante, tout comme les combats menés en commun au service d’une laïcisation de la société et des institutions républicaines. Aujourd’hui, au moment où surgissent diverses interrogations, nous constatons ensemble la nécessité de confronter nos analyses et de rechercher les convergences.

Dans ce cadre, la Ligue de l’Enseignement et la Fédération Nationale de la Libre Pensée se réjouissent que de nombreuses associations laïques aient adopté en commun une déclaration : « Ne touchez pas à la loi de 1905 ! ». Engager une révision de la loi comporte en effet d’évidents risques pour les principes même de la laïcité.

De même, la Fédération Nationale de la Libre Pensée et la Ligue de l’Enseignement tiennent à marquer leur opposition résolue à l’égard de deux propositions de loi déposées récemment sur le bureau de l’Assemblée Nationale.

La première, qui émane du député Jean-Marc Roubaud, ne tend à rien moins qu’au rétablissement du délit de blasphème en matière de presse. Il convient de rappeler que ce délit avait disparu sous la Révolution française et que seul le régime réactionnaire de Charles X, le roi dévot, avait tenté de le réinstaurer. Il n’y a pas de démocratie possible sans une totale liberté d’expression et sans le rappel que toutes les opinions doivent se voir reconnaître le même statut. Une telle régression, qui rejoint certaines des revendications de l’extrême droite française est totalement inacceptable.

La seconde proposition de loi, tout aussi inacceptable, a été déposée par le député Jacques Myard. Selon les dispositions de son article premier : « aucune prescription culturelle ou religieuse n’autorise quiconque à voiler son visage sur la voie publique ; toute personne allant et venant sur le territoire de la république doit avoir le visage découvert, permettant sa reconnaissance ou son identification ». L’article trois prescrit la reconduite à la frontière de tous les étrangers portant un foulard islamique. Le texte ne tente même pas dissimuler ses arrières pensés derrière le voile de l’hypocrisie. Seule une catégorie de personnes est concernée, les femmes musulmanes. Il ne semble pas que les personnes appartenant à des ordres religieux féminins catholiques soient concernées.

Ces deux textes méconnaissent radicalement les principes sur la base desquels se trouve organisée une République laïque. Leur adoption violerait tant l’article premier de la Constitution que les deux premiers articles de la loi de 1905 et, par ailleurs, amènerait la France à se trouver en délicatesse par rapport à certain des engagements internationaux souscrits par elle.

La Ligue de l’Enseignement et la Fédération Nationale de la libre Pensée considèrent que la liberté absolue de conscience posée par l’article premier de la loi de 1905 comporte le droit pour chaque individu d’avoir une religion ou de ne pas en avoir ainsi que la possibilité de voir critiquer l’une ou l’autre des deux attitudes.

La croyance et la non croyance relèvent de l’ordre des convictions individuelles. La loi n’a rien à dire en pareille matière sauf à définir, démocratiquement, le périmètre de l’ordre public. De la même façon, les tribunaux n’ont pas à s’instituer arbitres des élégances religieuses.

La stricte séparation entre l’univers des convictions individuelles, notamment religieuses, et celui du service public, posée par la loi de 1905 comporte un certain nombre de conséquences : critiquer les religions ou manifester son appartenance religieuse relève du seul domaine de la liberté individuelle d’expression ; l’Etat a l’obligation de conserver une stricte neutralité lorsqu’il intervient dans le cadre d’une mission d’intérêt général ce qui justifie la proscription du port de tout signe d’appartenance religieuse par des fonctionnaires.

Plus généralement, la Fédération Nationale de la Libre Pensée et la Ligue de l’Enseignement, ne sauraient accepter de loi d’exception, par principe discriminatoire. Ceci explique que nos deux organisations se soient rejointes dans la critique de la loi du 15 mars 2004 sur le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Il s’agissait d’une loi de circonstance, à visée électoraliste et qui, en dépit de l’apparente généralité de ses termes, ne visait qu’une seule catégorie de population. Il est significatif que dans le langage courant elle soit souvent présentée comme « la loi sur le voile ». La stigmatisation de telle ou telle catégorie de la population ne peut conduire qu’à des phénomènes de discrimination, à des tentations xénophobes et à des affrontements communautaires.

La Ligue de l’Enseignement et la Fédération Nationale de la Libre Pensée s’opposent également, de façon tout aussi résolue, aux dispositions de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui rend obligatoire la participation des communes aux frais de scolarisation des élèves fréquentant, hors de leur territoire, des écoles privées. Nos deux organisations exigent l’abrogation de cet article qui augmente notablement le financement public des écoles privées, au détriment du développement du service public et laïque d’éducation.

La Fédération Nationale de Libre Pensée et la Ligue de l’Enseignement décident de poursuivre leurs échanges de vue réguliers pour rechercher, dans le respect de la diversité des approches, toutes les convergences permettant de faire vivre au quotidien une laïcité favorisant l’émancipation des personnes et garantissant le pluralisme des convictions. Elles se proposent d’élargir ces rencontres à toutes les organisations laïques souhaitant construire un rassemblement permettant de dégager des pistes d’actions communes pour la défense de la laïcité de l’Ecole et de l’Etat.

Pour la Ligue de l’enseignement
Jean-Michel Ducomte, président

Pour la Fédération nationale de la Libre Pensée,
Christian Eyschen, secrétaire général