Libre Pensée du Pas-de-Calais

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Publié : 14 novembre 2004

Pour un véritable humanisme laïque !

Lors du congrès de Toulouse, les délégués ont voté à une écrasante majorité « l’appel au congrès mondial de la libre pensée pour l’athéisme et la pensée libre ». Cependant la Fédération du Pas-de-Calais a voté contre ce texte. Pourquoi ?

Si l’ambition générale de ce texte ne peut que nous satisfaire, à savoir promouvoir la pensée libre dans tous les pays, contre toutes les formes de pensées dogmatiques, un aspect essentiel de cet appel, à savoir la référence au Manifeste international pour l’humanisme athée, nous apparaît contradictoire avec notre attachement laïque.

En effet, l’appel affirme :

« Au plan individuel, nous nous prononçons pour le développement international de l’athéisme, qui est la seule base du véritable humanisme. Si la croyance aux dieux perdure, alors il ne peut pas y avoir de place digne pour l’homme. Nous devons choisir, et nous avons choisi l’homme. »

Ce passage, associé à un appel pour la pensée libre, est un véritable contresens. En quoi la croyance aux dieux, placée sur un plan individuel, est-elle incompatible avec une place digne pour l’homme ? Qu’un individu croie en une divinité n’implique pas systématiquement qu’il va dénier à l’homme sa liberté absolue de conscience. Au contraire, le philosophe Socrate en est un exemple frappant : il affirmait croire en un démon personnel, et non pas à l’existence des dieux officiels de la Grèce Antique. Or cette croyance profonde ne le poussait pas, d’après Platon, à convertir ses concitoyens à une vérité unique et révélée. Bien loin de cela, il leur proposait de réfléchir sur leurs propres actes, et leur portée, seul moyen de rechercher la vérité et la liberté de conscience. Or, Socrate n’était pas athée. Preuve donc que la croyance aux dieux, ou à un dieu, n’est pas incompatible avec l’humanisme auquel nous sommes attachés.

Qu’est-ce que l’athéisme ? Avant de nous attacher à le promouvoir, il serait judicieux de nous entendre sur sa définition. Si l’athéisme c’est ne pas croire en dieu, il ne s’agit alors que d’une opinion contraire, mais équivalente, à celle de croire en un dieu quelconque. C’est certes une composante de la libre pensée qui s’émancipe de la pensée religieuse ou conditionnée par les dogmes relatifs à l’existence de dieu. Cependant, dans ce cas, l’athéisme a le défaut de ne pouvoir exister en tant que philosophie que si la philosophie contraire, la croyance en dieu, existe elle-même. Appeler à la fin de la croyance aux dieux c’est donc appeler à la disparition de l’athéisme et non pas à son développement. A moins de considérer que l’athéisme a vocation à remplacer la croyance aux dieux... comme nouveau dogme dominant et exclusif !

La libre pensée laïque ne nous paraît pas être exclusive d’une quelconque famille de pensée. Au contraire, pour être construite librement, la pensée d’un homme doit pouvoir perpétuellement rencontrer des options contradictoires et complémentaires afin d’évoluer, de s’affermir, et de grandir. La pensée libre est laïque : elle englobe les pensées religieuses qu’elle confronte avec bonheur aux pensées rationnelles, matérialistes, athées, agnostiques ou encore indifférentistes. La libre pensée, c’est la totalité des options philosophiques en mouvement et en confrontation, pas l’exclusion de certaines au profit d’une autre érigée comme un dogme inviolable ! Si on réduit les libres penseurs aux athées, on refuse alors d’accueillir et de reconnaître comme un grand talent laïque Ferdinand Buisson, protestant et libre penseur. Les libres penseurs actuels le considéreraient-ils comme un clérical à combattre ?

Aujourd’hui les tenants de la pensée religieuse, dogmatique et cléricale tendent à travers le monde à vouloir éradiquer les pensées différentes, et à commencer bien sûr par l’athéisme. Dans ce cadre, il nous appartient de promouvoir l’existence et le développement d’une large pensée rationnelle, dénuée de références aux multiples dogmes religieux, ce qui englobe l’athéisme mais ne se réduit pas à cela. Il nous appartient aussi de rejeter l’idée de Dieu hors de la sphère publique et parce que la véritable liberté de conscience ne peut exister qu’au travers de la neutralité des États et des services publics en matière philosophique (religieuse ou anti-religieuse), nous demandons la complète séparation de l’Etat et des Eglises dans tous les pays, comme l’affirme le Manifeste international pour l’humanisme athée, repris dans notre appel international pour la pensée libre. Pour autant, ce n’est pas notre rôle, à nous libres penseurs, d’extirper l’idée de dieu de la sphère privée car nous soutenons sans condition la laïcité et la neutralité des gouvernements qui laissent chaque individu libre de choisir et d’exprimer ses propres croyances, sans aucune contrainte sociale ni gouvernementale. Aucun gouvernement n’a le droit d’imposer à ses citoyens la croyance religieuse ou l’incroyance religieuse.

Promouvoir l’athéisme comme seule base du véritable humanisme revient donc à violer notre laïcité si chèrement acquise. C’est le combat pour la laïcité, à savoir pour la séparation des domaines privé et public et pour repousser la religion dans le strict domaine privé, qui a produit l’humanisme antique, celui des Lumières, ou encore la loi du 9 décembre 1905.

Le centenaire du vote de la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat doit nous rappeler à nos devoirs laïques : combattre l’intrusion de plus en plus forte des confessions et autres sectes dans le domaine public (école, hôpital, services publics, vie politique, vie sociale, etc.), tout en laissant chaque individu vivre dans le domaine privé ses choix philosophiques dans le respect des lois de la République. Les libres penseurs ont à agir pour promouvoir un humanisme authentiquement laïque, pour le diffuser le plus massivement possible, et garantir ainsi la paix civile.

Les libres penseurs de la Fédération du Pas-de-Calais