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Publié : 4 décembre 2006

Le cercle de Jafar Panahi : mercredi 13 décembre 2006

Dans le cadre de son cycle cinéma "Les religions et la Femme : liaisons dangereuses...", organisé avec le cinéma Alhambra, la Libre Pensée de Calais vous invite à assister à la projection de ce magnifique film ,

Le cercle, de Jafar Panahi,

au cinéma Alhambra, 2 rue Jean Jaurès à Calais

le mercredi 13 décembre 2006

à 20H00 précises

La projection sera suivie d’un débat avec les spectateurs, animé par un libre penseur.

et avec l’aimable participation de Bernard TEPER, président national de l’Union des Familles Laïques (UFAL)

Fiche technique

Le cercle (Titre original : Dayereh , 2000)

Un film iranien de Jafar Panahi (, VOSTF), scénario de Kambuzia Partovi,
avec Nargess Mamizadeh (Nargess), Maryiam Palvin Almani (Arezou), Mojgan Faramarzi (la prostituée), Fereshteh Sadr Orfani (Pari), Elham Saboktakin (l’infirmière).
1 h 25 min

Le film

Dans une maternité de Téhéran, une femme désespérée accouche d’une fille alors que la famille espérait un garçon. Trois jeunes femmes en liberté provisoire fuient les regards et les sirènes de la police.

L’une d’elle, Arezou, cherche à regagner son village, mais craint d’en être rejetée. La deuxième, Nargess, qui décide de voyager seule, s’absente pour faire une course mais, contrôlée par la police, ne peut plus partir. À la recherche de son amie, elle frappe à la porte de la maison de la troisième codétenue, Pari. Mais celle-ci elle-même doit fuir le foyer, reniée par sa famille parce qu’elle est enceinte. Recherchant à se faire avorter, Pari retrouve une autre femme qui doit partager le foyer avec la seconde femme que son mari a épousée, puis une ancienne compagne de cellule, infirmière, inquiète que son mari médecin ne découvre son passé. Pari repart de nuit dans la ville. Elle assiste à l’abandon d’une fillette par sa mère. Celle-ci, désespérée, accepte de suivre un inconnu, mais découvre qu’il s’agit d’un policier qui la prend pour une prostituée. L’homme doit s’occuper d’une autre affaire de prostitution, excuse le client appréhendé et embarque la prostituée, dans un fourgon où se trouvent déjà Arezou, Nargess et Pari.

Un film de qualité

Le cercle a de Jafar Panahi a remporté le Lion d’Or du Festival de Venise en 2000. Il débute par une lucarne de porte qui s’ouvre et s’achève avec une autre qui se referme... Le réalisateur entre temps passe d’un personnage à un autre...toutes d’un même "cercle", des ex-prisonières en fuite. C’est un cinéma iranien très différent de celui que l’on connait, le film est très rythmé, ne ménage pas de répis au spéctateur pris lui aussi dans la fuite. Le film a remporté le lion d’or au festival de Venise [en 2000]. Son réalisateur Jafar Panahi a débuté comme assistant d’Abbas Kiarostami et s’etait déjà fait remarqué avec Le ballon (primé à Cannes) et Le miroir (primé à Locarno).

Un dossier pédagogique très riche

Sur un site belge, quelques propositions d’étude du film avec des lycéens.

Une critique parue dans L’Humanité en janvier 2001

« quand Jafar Panahi soulève le tchador »

Le Cercle sort aujourd’hui dans les salles en France mais est toujours interdit en Iran. Histoire d’une censure.

L’or sied à Jafar Panahi, qui a réalisé jusqu’à maintenant, trois longs métrages. En 1995, il crée la surprise à Cannes en recevant le premier grand prix prestigieux pour le cinéma iranien, la Caméra d’or pour le Ballon blanc, sa première ouvre présentée à la Quinzaine des réalisateurs. Deux ans plus tard, son deuxième film le Miroir gagne le Léopard d’or à Locarno et en 2000, son film suivant le Cercle, le Lion d’or à Venise. Un parcours sans faute, qui ne le sera pas, malheureusement, dans son pays où le Miroir n’est toujours pas distribué et le Cercle, totalement censuré.

Aujourd’hui Jafar Panahi, qui a été fait chevalier des Arts et Lettres en France, se bat sur son propre terrain pour ne pas être qu’un cinéaste de l’exil, qui gagne des prix à Toronto, à Tokyo, à Sao Paulo, à New York, à Bruxelles, à Singapour, Istanbul ou Riga, à qui on refuse de participer au Fajr, le festival de cinéma qui a lieu à Téhéran, chaque année au mois de février.

Le projet du Cercle prend corps au cours de l’hiver 1997 et intéresse une société de production iranienne au nord de Téhéran. Les élections viennent d’avoir lieu et tous les espoirs semblent permis avec la nomination d’un nouveau responsable du cinéma auprès du ministère de la Culture. Les cinéastes pensent alors, qu’ils vont enfin pouvoir réaliser les films qu’ils ont toujours eu envie de faire. La révolte de la jeunesse et le droit des femmes sont deux thèmes que des réalisateurs particulièrement intéressés par les problèmes de société, tel Jafar Panahi, ont envie d’aborder.

Le scénario du Cercle est terminé l’hiver 1998 mais la commission de supervision et d’évaluation du ministère de la Culture le classe C (selon une échelle très complexe de classification) et ne donne aucune réponse claire quant à l’autorisation de production. Le projet du Cercle est bloqué.

Il est proposé ironiquement à Jafar Panahi de " refaire " le Ballon blanc puis d’aller tourner à l’étranger.

Face à la détermination de Panahi, qui joue la transparence, en dévoilant à la presse ses conversations avec les autorités, prouvant ainsi que les artistes ne sont pas libres en Iran, le permis de produire le Cercle est finalement délivré en mai 1999. Panahi décide alors de produire son film lui-même en collaboration avec l’Italie. En juillet, son précédent film, le Miroir est projeté exceptionnellement à l’Association de cinéma pour la jeunesse. Il en profite pour parler au cours d’une conférence, de la production des films. en Iran.

Mais Jafar Panahi ne tient pas à amplifier l’affaire et reste discret vis-à-vis de la presse quant au sujet du film. Pourtant, non seulement des quotidiens de Téhéran divulguent le synopsis du film, avec des titres tels que " l’intimité féminine dévoilée dans le nouveau film de Jafar Panahi " ou " le Cercle : l’histoire de trois femmes évadées de prison ", mais une revue de cinéma publie le scénario complet du Cercle. Et pourtant, personne n’avait eu le texte exact entre les mains, excepté les très officiels membres de la commission du ministère de la Culture et de la Fondation Farabi.

Durant l’été 1999, chaque jour, Jafar Panahi était cité dans les journaux auxquels il répondait, tout ceci créant un handicap pour recruter des acteurs et a fortiori des actrices non professionnelles. Tout devient prétexte à commentaire. Lorsqu’il fait des repérages la nuit dans Téhéran avec Bahram Badakhshani, son directeur de la photographie, on raconte qu’il va faire un film sur les SDF. Il tourne néanmoins le Cercle durant l’été, en quarante-cinq jours, sous contrôle, et réalise le montage à la Fondation Farabi. Mais en février 2000, le festival Fajr refuse de projeter le film. Il est interdit. Jafar Panahi refuse de couper quoique ce soit, expose son cas à la presse et pose publiquement la question " du cinéma et de la censure sous Hatami ". Le dernier jour du festival, il organise une projection privée. Cannes et Venise l’invitent pour leur compétition.

Durant l’été 2000, toutes les discussions entre Panahi et les autorités du ministère de la Culture seront sans succès, de même que la lettre de soutien de la Société des réalisateurs iraniens.

Le Cercle a finalement été présenté à la Mostra de Venise où il avait un distributeur italien et un distributeur français, mais cette fois c’est Jafar Panahi qui refuse que son film soit projeté au Fajr, qui a lieu en ce moment à Téhéran, tant qu’il n’a pas reçu d’autorisation d’exploitation en Iran.

Comment expliquer un tel acharnement des autorités gouvernementales iraniennes, à anéantir l’ouvre d’un cinéaste, reconnu dans le monde entier, dans son propre pays ? Alors que ces mêmes autorités nomment d’une part, un Temps pour l’ivresse des chevaux de Bahman Ghobadi, premier cinéaste kurde iranien, Caméra d’or à Cannes 2000, pour représenter l’Iran aux oscars et d’autre part, proposent au comité de sélection pour la compétition du prochain Festival de Cannes, le film d’un réalisateur dans la ligne officielle islamique... Il est clair que le gouvernement iranien est toujours prêt à collecter des prix prestigieux à l’étranger - le film de Ghobadi est celui qui a le plus de chance d’en rapporter - mais de là à divulguer des " ouvres subversives " à l’intérieur du pays, non.

Quant au Cercle, c’est un film d’une grande modernité d’écriture et de sujet, l’un dépendant de l’autre - le jury de Venise présidé par Milos Forman et auquel participait Samira Makhmalbaf, ne s’y est pas trompé - Jafar Panahi, grand frère de la nouvelle génération confirmée à Cannes 2000 (Samira Makhmalbaf, Bahman Ghobadi, Hassan Yektapanah), la quarantaine, a fait ses classes à l’IRIB (École de télévision de la République islamique d’Iran). Il y a réalisé ses premiers courts métrages et rencontré ses amis de toujours, Parviz Shahbazi, avec qui il a écrit le Ballon blanc et Kambozia Partovi, le scénariste du Cercle. Puis il devint en 1993, l’assistant d’Abbas Kiarostami - sur Au travers des oliviers -, qui peaufina le scénario du Ballon blanc.

La structure du film chez Panahi est toujours faite de petites histoires qui font avancer la grande histoire. Pour comprendre son inspiration, il faut chercher déjà du côté de ses premiers films, courts et moyens métrages, comme les Têtes blessées (réalisé en 1988 et toujours interdit) ou l’Ami, un film hommage au premier court-métrage d’Abbas Kiarostami, le Pain et la Rue ; le Dernier examen ou le Second regard : des essais comme une université du regard.

Et dans le Cercle, si nous aussi regardons bien, toutes ces femmes vivent sous nos yeux, apprivoisées par la caméra, un véritable drame d’être femme (voir la critique de Jean Roy). De la clinique d’accouchement, séquence d’ouverture du film, où le bébé féminin est nié, la mère insultée et répudiée, jusqu’à la prison, séquence finale, où toutes se retrouvent, la boucle est bouclée, le cercle est fermé. La métaphore est claire mais Jafar Panahi se garde bien d’avoir un discours féministe, car dit-il, " la vie des femmes est celle des êtres humains. Les hommes doivent réaliser de quoi les femmes souffrent. C’est essentiel pour l’humanité ".

Jamais film de cette force n’a été réalisé en Iran, c’est sûr. Mais le Cercle restera un des grands films de l’histoire du cinéma sur l’humaine condition.

par Michèle Levieux de L’Humanité

Prix d’entrée :

5,80 euros ou 4,50 euros sur réservation au 03 21 35 58 50