Libre Pensée du Pas-de-Calais

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Publié : 27 mars 2005

Laïcité et Union Européenne

paru dans le Ch’ti libre penseur, n°67, 1er trimestre 2005

Dans le dossier de ce Ch’ti sur l’Union Européenne et la future Constitution qui sera soumise au référendum le 29 mai 2005 nous nous intéresserons uniquement au problème de la Laïcité qui fait l’objet d’un important lobbying de la part des grandes religions. Dans ce futur traité, les mots laïcité, laïque, n’apparaissent pas une seule fois. Par contre les références au religieux y sont multiples, et ce dès le préambule, où il est noté que les rédacteurs de la Constitution se sont inspirés « des héritages culturels, religieux et humanistes » de l’Europe. L’Europe n’est donc pas laïque (et la France l’est de moins en moins) c’est ce que nous allons montrer dans ce dossier à l’aide d’articles, communiqués de presse et prises de positions d’associations diverses. Nous voulons une Europe sociale, une Europe citoyenne et une Europe laïque. C’est au nom de cette Europe que nous refusons le Traité établissant une soi-disant Constitution pour l’Europe et que nous vous appelons à manifester le dimanche 3 avril 2005 à Bruxelles.

D.D.

Le drapeau européen

Il est probable que bien peu de personnes connaissent l’histoire du drapeau Européen.

Le site Internet officiel du Conseil de l’Europe nous donne les informations suivantes concernant ce drapeau : « Sur le fond bleu du ciel, des étoiles d’or à cinq branches, figurant les peuples d’Europe, forment un cercle en signe d’union. Elles sont au nombre invariable de douze, symbole de la perfection et de la plénitude. Les étoiles sont disposées comme les heures sur le cadran d’une montre. Leur nombre est invariable ».

Sur le site officiel de la Banque de France on trouve quelques informations complémentaires : « Le nombre d’étoiles est invariable, douze étant symbole de perfection et de plénitude (les douze mois de l’année, les douze signes du zodiaque...). Le symbole de la couronne de douze étoiles « Duodecim corona stellarum » est présent dans l’ancien testament et a inspiré de nombreux artistes européens (Dürer, Zurbaran, Van Eyck) ».

Ce drapeau a été officiellement adopté le 26 mai 1986 par le Parlement européen. Il avait d’abord été l’emblème du Conseil de l’Europe qui l’avait choisi le 8 décembre 1955.

Mais pourquoi douze ?

La réponse généralement proposée est celle-ci : Il a été adopté comme emblème de l’Europe en 1986 par les 12 pays qui composaient l’Union Européenne. Voilà donc l’origine des 12 étoiles. Détrompez-vous ! On peut penser que l’on a choisi volontairement le moment où il y avait douze pays dans l’U.E. pour choisir ce drapeau. Pour tout le monde cela apparaissait logique et il n’y eut donc pas de réaction.

Mais pourquoi n’y a-t-il toujours que 12 étoiles alors que nous sommes passés, depuis 1986, à 15 puis 25 pays au sein de l’Union Européenne ? Le nombre de pays n’a donc rien à voir avec le nombre d’étoiles sur le drapeau (contrairement à la démarche suivie par les États-Unis d’Amérique).

Le nombre 12 contient un important symbolisme judéo-chrétien (les 12 apôtres). Rappelons-nous que les pères fondateurs de l’Europe (Robert Schuman en tête) sont tous des démocrates chrétiens. Les douze étoiles font donc référence à la « Vierge Marie » (couleur bleu marial) et aux douze apôtres. Dans de nombreuses églises on retrouve ce symbole de la Vierge entourée de 12 étoiles.

C’est un strasbourgeois, Arsène HEITZ, travaillant au service du courrier du Conseil de l’Europe, qui est l’auteur du projet du drapeau européen. Cette histoire est d’ailleurs relatée par C. Sauteur, aumônier de l’hôpital de Cluny, dans un mémoire. Le 8 décembre 1955 donc, fête de "l’immaculée conception", ce drapeau fut adopté par le Conseil de l’Europe. On se gardera bien d’y trouver une quelconque connotation religieuse !

Notons également que, dans les années 80, l’Union Européenne a passé 7 ans à discuter de la couleur du passeport européen, et a finalement choisi le... « rouge évêque ». Tout un symbole !

La monnaie européenne

Après le drapeau unique, emblème de l’Union Européenne, nous avons maintenant une monnaie unique. Pour le moment douze pays de l’U.E. ont choisi l’euro. Mais des pays qui ne sont pas membres de l’U.E. ont également l’euro comme monnaie. Ce sont les micro-Etats (Monaco, Saint-Marin et le Vatican).

Le Conseil européen a décidé d’habiliter les pays concernés (France, Italie) à conclure des accords avec ces micro-Etats au nom de la Communauté européenne. Ces micro-Etats ont choisi d’adopter la monnaie unique européenne tout en préservant une spécificité monétaire, afin d’exprimer leur souveraineté. Un peu de lobbying et le tour est joué. Il existe donc des euros monégasques, vaticanesques et san-marinais. Ces petits pays ont bien leur face nationale sur les nouvelles pièces de monnaie.

La Cité du Vatican, qui frappait la lire du Vatican depuis les accords du Latran, signés par le pape et Mussolini en 1929, a donc eu le droit d’adopter l’euro comme monnaie officielle.

Nous avons là l’exemple de deux États qui, bien que n’étant pas membres de l’U.E., battent monnaie européenne ! Comment d’ailleurs le Vatican (État de quelques dizaines d’hectares) pourrait-il, s’il le souhaitait, intégrer l’U.E. ! Ce n’est pas un modèle de démocraties (comme Monaco d’ailleurs) ! Le chef de l’État (le pape) n’y est pas élu démocratiquement. Il n’y a qu’une seule religion reconnue et officielle (la catholique) et les syndicats y sont interdits. Mais le lobbying catholique est très présent en Europe ! Le Vatican investit l’Union Européenne par tous les moyens. C’est l’Europe vaticane !

L’héritage religieux

Voici ce qui est écrit dans le deuxième paragraphe du préambule de la future Constitution Européenne : « S’inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe, dont les valeurs, toujours présentes dans son patrimoine, ont ancré dans la vie de la société sa perception du rôle central de la personne humaine et de ses droits inviolables et inaliénables, ainsi que du respect du droit... »

Rappelons-nous également ce que disait Robert Schuman, l’un des fondateurs de la Communauté européenne : « Tous les pays européens ont été pétris par la civilisation chrétienne. C’est là l’âme de l’Europe qu’il faut faire revivre ».

Le préambule de la constitution, dans sa forme actuelle, met donc sur le même plan, l’apport des Lumières et de l’Humanisme d’une part et le fardeau des obscurantismes religieux d’autre part. Nous n’avons pas d’héritage à accepter ou non. Nous devons rejeter le passif, que les Églises nous ont laissé, pour construire un avenir meilleur.

L’influence des Églises au sein de l’Union Européenne

Les Églises catholique et protestante allemandes ont déploré l’absence de référence à Dieu dans la Constitution Européenne. « Nous regrettons aussi qu’il n’ait pas été possible de faire comprendre, par une référence à la responsabilité devant Dieu, que toute ordre humain est faillible et imparfait et que la politique n’est jamais absolue, eu égard aux expériences douloureuses des guerres et dictatures en Europe » écrivent dans une déclaration commune le président de la Conférence épiscopale de l’Église catholique allemande et le président de l’Église protestante.

L’évêque Noël Treanor (appelé aussi le Père Noël !), secrétaire général de la COMECE (Commission des Épiscopats de la Communauté Européenne), dans un communiqué de presse datant du 19 juin 2004, écrit : « [...] il ne faut pas douter que le Traité représente un pas majeur en avant pour la construction de l’Union européenne. (...) Il renforce le principe de subsidiarité, selon lequel toute action politique doit se réaliser au niveau efficace le plus bas. (...) Je me félicite particulièrement de la manière dans laquelle le Traité constitutionnel reconnaît et saisit la liberté religieuse ainsi que le rôle des communautés religieuses dans la vie publique. Il garantit à la fois le respect de la diversité et le dialogue entre institutions religieuses et autorités politiques. En équilibrant un esprit d’ouverture entre le religieux et le politique avec la juste séparation des deux sphères, l’Article I-51 (aujourd’hui I-52, NDLR) représente une nouvelle approche inclusive à la gouvernance qui est au niveau des enjeux de la société européenne dans le 21e siècle ».

Il poursuit : « En se référant dès ses premières paroles aux "héritages culturel, religieux et humaniste" de l’Europe, le Traité constitutionnel souligne le rôle formateur de ces héritages ‑ dont le christianisme fait partie essentielle - pour l’Europe d’aujourd’hui. C’est pourquoi je regrette que les Chefs d’État et de gouvernement n’aient pu trouver une formulation qui reconnaîtrait explicitement la contribution indiscutable du christianisme et d’autres traditions. Cette omission ne change en rien le fait que les valeurs de l’Union décrites dans l’Article I-2, surtout le respect de la dignité humaine, ont été inspirées par la pensée chrétienne ».

Après la tentative d’inscrire le concept de « Dieu » dans le projet de Constitution européenne, après les appels répétés à un retour aux valeurs chrétiennes fondatrices de la conscience européenne et de l’humanisme (selon la réécriture catholique de l’histoire), le pape Jean Paul II dégaine une nouvelle arme pour redynamiser la reconquête chrétienne de l’Europe : la béatification de Robert Schuman, un des initiateurs de l’union européenne. Le pape souhaite en effet élever Robert Schuman au statut de bienheureux.

L’article I-52 de la future constitution européenne

Le Vatican a multiplié les pressions sur la Commission européenne pour permettre, via la nouvelle constitution, la multiplication de concordats avec de nouvelles structures, les régions, pour replacer la religion catholique et les autres Églises comme interlocuteurs incontournables et privilégiés des nouvelles autorités. Tout cela a abouti à la rédaction de l’Article I-52 qui traite du «  statut des Églises et des organisations non confessionnelles :

1-L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficie, en vertu du droit national, les Églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres.

2-L’Union respecte également le statut dont bénéficie, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles.

3-Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces Églises et organisations. »

Il ne s’agit donc plus de consulter de manière informelle diverses instances de la société mais d’institutionnaliser un dialogue, qui devient obligatoire, avec les Églises et les sectes reconnues. Cela nous amène directement au financement public de la religion catholique et des autres.

Cet article I-52 nous paraît donc l’attaque la plus grave contre la Laïcité en Europe mais aussi et surtout en France. Cet article vise à garantir des privilèges exorbitants aux religions et donne un pouvoir démesuré à ces Églises dans les institutions européennes. Si cet article était adopté, aucun peuple, aucun État, aucune nation ne pourraient remettre en question les religions d’État, les concordats déjà signés, les impôts dits d’Église...

Conclusion

À partir des quelques exemples qui viennent d’être donnés ci-dessus, nous voyons bien que le catholicisme a clairement parasité la formation de l’Union Européenne.

Pour conclure nous citerons un extrait du communiqué du Comité Laïcité République publié le 15 juin 2004 après les élections européennes : « L’émergence d’une république européenne, fédératrice des nations, ne saurait se manifester sans un projet à vocation universelle, fait de démocratie, d’égalité sociale et de laïcité. Cela suppose que la volonté des peuples puisse s’exprimer, qu’elle se formalise en une assemblée constituante européenne, et que la constitution qui en résulte soit soumise à la ratification d’un peuple européen souverain enfin constitué par un seul acte fondateur. Aujourd’hui, c’est la démarche inverse qui est suivie, conformément au désastreux principe de subsidiarité : une constitution, médiocre et dangereuse pour la démocratie et la laïcité, sera adoptée de manière disparate par des états réticents ».

Il faut donc exiger que la Constitution Européenne inscrive, dans son préambule, le terme « laïque » ou « laïcité » et qu’elle assure de ce fait la « liberté de conscience » bien plus large que la simple liberté religieuse.

Pour toutes ces raisons, nous voterons NON au projet de texte constitutionnel sans pour autant accepter l’idée que nous serions des anti-européens. Cette Europe là nous n’en voulons pas !

Post-scriptum

Manifestation laïque à Bruxelles dimanche 3 avril 2005

Les Fédérations du Nord et du Pas de Calais de la Libre Pensée organisent un co-voiturage pour le déplacement à Bruxelles du dimanche 3 avril 2005. Si vous souhaitez vous inscrire :

Pour le Nord :

daniel.dubois4@wanadoo.fr

Tél : 03 20 05 56 90

Pour le Pas de Calais :

librepensee62@free.fr