Libre Pensée du Pas-de-Calais

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Publié : 12 avril 2007

Sarkozy et la laïcité : le converti de la dernière heure ?

Le fait que "Sarkozy renonce à toiletter le loi de 1905" est-elle une grande victoire laïque ? Lire la suite de ses propos dans son entretien à La Croix, daté du 3 avril, est édifiant sur sa conception de la liberté de conscience et de la laïcité institutionnelle !

Certes il annonce qu’il n’y aura « pas de suites au rapport Machelon tant qu’il n’y aura pas de consensus en la matière. [...] Oui [il] renonce à modifier la loi de 1905 [et] poursuivra la discussion avec l’ensemble des religions. C’est un sujet sur lequel on ne peut avancer sans consensus. » Consulter les religions, érigées comme interlocuteurs valides de la société civile, est antilaïque. Et Sarkozy a déjà mené cette politique comme ministre, il l’a déjà montré... en s’inscrivant dans les pas de Joxe, Chevénement, Vaillant, Jospin, Chirac, Pasqua, Debré, et autres.

Mais la suite ôte tout de suite les illusions de victoire laïque. Il affirme : « La loi de 1905 est un monument. Avant d’y toucher, il faut faire très attention. Le code des communes, en revanche, pourrait permettre un certain nombre d’aménagements », expliquant de fait comment il va détricoter la séparation des Eglises et de l’Etat : par le biais de la réglementation, s’exonérant ainsi de tout contrôle constitutionnel et de toute mise en lumière fâcheuse...

Il enfonce le clou pour ceux qui auraient mal compris son projet : « On dit que les grandes religions de France doivent dialoguer avec l’État. [...] Je veux également couper l’islam de France des influences étrangères, qu’il s’agisse du financement des lieux de culte ou de la formation des imams. Enfin, je veux aider les élus locaux à pouvoir répondre aux demandes des communautés présentes dans leurs villes. » Quelles sont les « grandes religions de France » ? Celles qui composent une force électorale non négligeable ! Les plus fiables dans ce domaine ne sont rien d’autres que les sectes : scientologie, témoins de Jehovah et raëliens, par exemple... Quand on pense que des sondages récents laissent à penser que la majorité des électeurs qui se disent musulmans s’affirment de gauche, il va être déçu le Napoléon du Kärcher. Ce catholique qui « aime aller parfois à l’église en famille [ce qu’il considère comme] une démarche culturelle, identitaire », se croit autorisé à se mêler de l’organisation d’un autre culte que le sien. A quel titre ? Simplement parce que Monsieur le veut, tel est son bon plaisir. Il se croit devenu le monarque absolu.

« Couper l’islam de France des influences étrangères » en leur substituant celle de l’Etat, c’est exactement la politique suivie par les plus réactionnaires des dictateurs du maghreb, et des proche et moyen Orients : on voit la qualité du résultat au nombre d’attentats, de prises d’otage, et autres emprisonnements de journalistes, du fait des islamistes ou du pouvoir d’ailleurs. « Répondre aux demandes des communautés » c’est organiser le communautarisme, nier la citoyenneté fondée sur l’individu porteur de droits et de devoirs, et préparer la discorde civile par l’amplification d’inégalités territoriales liée à la création de nouveaux ghettos religieux.

Sarkozy assume son oeuvre de recléricalisation en s’appuyant sur les intégristes musulmans lorsqu’il dit « Il n’y a pas un candidat qui supprimera le CFCM. Plus personne ne critique aujourd’hui la présence de l’UOIF, qui a réalisé un gros travail ». Il a dû oublier les démissions de quelques membres du CFCM pour dénoncer le fanatisme de l’UOIF et il ne doit pas lire souvent les journaux, livres, revues et sites laïques. « Le CFCM tel qu’il existe aujourd’hui est une institution incontournable », se glorifie-t-il. Le procès intenté à Charlie Hebdo semble l’attester, mais les nombreuses réactions de soutien, au contraire, semblent disqualifier cette pseudo-importance. Et qui l’a rendu « incontournable », si ce n’est ce ministre des cultes apprenti sorcier ? Personne ne demande la suppression du CFCM, association "indépendante" de par ses statuts. Ce que les laïques exigent du prochain gouvernement, c’est qu’il renonce clairement aux dialogues institués par Jospin, Chevénement, Chirac, Sarkozy, et consorts avec les confessions telles que l’Eglise catholique et sa conférence des évêques, les protestants et leur fédération, le CFCM, le CRIJF ou encore d’autres organisations comme les témoins de Jehovah, la scientologie ou les bouddhistes.

Allez, cerise sur la gâteau pour gôuter la "victoire laïque", il s’affirme « favorable à l’enseignement de l’histoire des grandes religions. [...] En revanche, [il] estime qu’il est plus important de connaître les grandes dates des grandes religions monothéistes que de connaître les divinités grecques ! » Au moins, on est prévenu ! Il réécrira l’histoire de France et les manuels d’enseignement, sachant que, pour lui, « les religions peuvent être un élément du lien social » et que « la religion catholique est l’un des fondements de l’identité française ». De grands moments de promotion de la laïcité et une éducation respectueuse de la liberté de conscience de chaque enfant sont à venir !

Petite devinette finale. Qui a prôné la rupture et la révolution nationale, réécrit les manuels d’Histoire, utilisé la religion comme force de paix sociale en développant les congrégations religieuses et finançant les activités du culte, recléricalisé services sociaux et vie publique présentant la religion catholique comme fondement de l’identité française, tout en pourchassant et exterminant ses ennemis qui osaient penser différemment ? Un certain Philippe Pétain...

A bon entendeur, salut !