Libre Pensée du Pas-de-Calais

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Publié : 18 février 2005

La loi de 1905 victime du projet Giscard

par L’Humanité en date du 16 février 2005

Plusieurs articles remettent en cause le principe de séparation des Églises et de l’État.

La laïcité a-t-elle un avenir en Europe ? La question est brutale, outrancière même diront certains, toujours prompts à dénoncer les « vieilles barbes laïcardes » ou « les ayatollahs de la laïcité ». Pourtant, à la lecture de la constitution européenne, il apparaît que ce principe pourrait bien faire les frais du « consensus » qui permis la rédaction du texte qui sera soumis à référendum dans quelques semaines.

Certes, la référence explicite à « l’héritage chrétien » a été rejetée in extremis mais les articles au coeur même de la constitution recèlent de graves menaces. D’abord parce que les organisations confessionnelles se voient reconnaître un statut particulier. L’article I-52 reconnaît leur « identité et contribution spécifique ». C’est-à-dire plus que ce qui est garanti aux partenaires sociaux. L’article I-52 précise également que « l’Union ne préjuge pas du statut dont bénéficient les Églises en droit national » qui permettra à certaines Églises de disposer d’un statut propre en fonction des États, y compris en violation de principes communautaires ou avec la « charte des droits fondamentaux », particulièrement en ce qui concerne les droits et les libertés conquises par les femmes. L’article II-70 qui proclame la « liberté de manifester sa religion individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites » heurte frontalement le principe de séparation des Églises et de l’État adopté en France il y tout juste cent ans.

« La loi de séparation, disait Jean Jaurès, c’est la marche délibérée de l’esprit vers la pleine lumière, la pleine science et l’entière raison. » La constitution européenne signe pourtant la victoire d’une conception anglo-américaine de la « liberté de religion » difficilement compatible avec l’article premier de la Constitution de 1958 qui précise que la France est « une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». En passant d’une conception de liberté de conscience à celle de la liberté de religion à l’anglo-saxonne, la constitution européenne ouvre la porte au communautarisme. Une conception portée en France par Nicolas Sarkozy qui était favorable à l’inscription de l’héritage religieux dans le préambule de la constitution européenne, estimant qu’il « est certain que les valeurs chrétiennes ont été civilisatrices en Europe et leur influence dominante [...] ». Le patron de l’UMP plaide aussi pour une greffe sur le modèle français du modèle anglo-saxon d’organisation des communautés religieuses. Inspiration que l’on retrouve également dans sa proposition de « discrimination positive ». Le communautarisme comme tentative de dépassement de la lutte des classes pour y opposer des intérêts de communautés de personnes identifiées principalement en fonction de leur religion supposée, mais pourquoi pas aussi de couleurs de peau ou d’origine. Selon Jean Jaurès, « laïcité de l’enseignement, progrès social, ce sont deux formules indivisibles, nous n’oublierons ni l’une ni l’autre », et Ferdinand Buisson, président de la Commission parlementaire chargée d’élaborer la loi, ajoutait : « La séparation n’est pas le dernier mot de la révolution sociale, mais elle en constitue indéniablement le premier. » C’est peut-être pour cela que le principe de laïcité est si soigneusement écarté de la constitution Giscard.

Stéphane Sahuc, L’Humanité, 16 février 2005